Les coopératives agricoles avancent sur des sujets technologiques très innovants en comparaison à d’autres industries
Pour échanger sur l’évolution de la digitalisation des coopératives et entreprises de négoce agricole et sur la capacité des ERP à s’adapter à ces nouveaux enjeux, nous avons le plaisir d’inviter Guillaume Nanot , Directeur général du cabinet Audanis et consultant auprès des coopératives agricoles depuis 17 ans, ainsi que Nabil Cheurfa, Directeur associé et expert Microsoft Dynamics 365 pour les coopératives agricoles chez TVH Consulting.
Guillaume, vous venez de publier « TRANSITIONS & DIGITAL, le baromètre des tendances du secteur agricole », quels sont les principaux enseignements que vous en tirez ?
Guillaume Nanot : Le but de ce baromètre est d’établir un point de référence sur la transformation digitale du secteur agricole à partir d’une enquête réalisée auprès d’un panel de 203 dirigeants et de 92 structures (dont 81% de coopératives). Cela nous permet de savoir où ils en sont, car la digitalisation s’est fortement accélérée ces 5 dernières années. Contre toute attente, ce baromètre a permis de mettre en lumière 4 points qui nous ont étonnés. En effet, après avoir consulté des DG, DAF, directeurs juridique, informatique et communication, nous avons eu la surprise de constater que tous partagent le même constat de l’urgence de digitaliser. C’est le premier point. Le second concerne la relation avec les agriculteurs qui peine à se digitaliser et se verticaliser, même si une vraie prise de conscience du potentiel de cette démarche existe. Le troisième concerne l’accélération de l’e-commerce, véritable levier de croissance du secteur avec des parts de marché de plus en plus importantes. Le dernier point vise le besoin de pilotage, de posséder des indicateurs et des tableaux de bord pour mieux anticiper et mieux s’adapter aux évolutions des années à venir.
Nabil, est-ce que vous retrouvez ces tendances dans les projets de transformation que vous menez avec les coopératives agricoles ?
Nabil Cheurfa : Tous ces points d’étonnements se retrouvent effectivement dans les cahiers des charges des projets ERP au sein des coopératives. Parmi les tendances fortes, nous avons également de plus en plus de questions liées à la cybersécurité : aucune coopérative n’étant à l’abri d’une cyberattaque. Nous avons également constaté qu’elles veulent digitaliser de plus en plus la relation adhérent par le biais de projets très orientés CRM. Elles peuvent ainsi mieux maîtriser la vision multicanale et la partager avec les parties prenantes via des portails collaboratifs, ce qui soutient les projets extranet et e-commerce.
La mise en place d’un ERP sur la chaîne amont (la collecte) et aval (la vente aux consommateurs) et sur l’ensemble d’un groupe coopératif (la coopérative et ses filiales) reste néanmoins aussi une des priorités, afin d’établir un système d’information homogène et commun.
Le baromètre met en lumière les défis de la production agricole face à l’urgence climatique et à la transition alimentaire, comment y répondre selon vous ?
Guillaume Nanot : Les coopératives agricoles subissent de vraies contraintes : concentration des exploitations, restriction d’irrigation, aléas climatiques, multiplication de la diversité des cultures… Pour les exploitations qui changent d’activités, le digital peut aider à répondre aux impacts métier et les outils de pilotage permettre de prendre les bonnes décisions en termes de choix de culture. Il faut également souligner l’arrivée d’une nouvelle génération d’agriculteurs qui possèdent une forte culture du digital : on les appelle les « agri-entrepreneurs ». Ils ont des attentes différentes et cherchent l’innovation comme cela avait été mis en avant dans ce livre blanc « Les défis de l’agriculture connectée dans une société numérique » publié par le thinktank Renaissance numérique.
Nabil Cheurfa : Les industriels imposent de plus en plus de contraintes aux agriculteurs en termes de suivi et de partage de l’information. Le digital peut grandement faciliter ces opérations : notre ERP ADAX Coop propose par exemple la notion de « Filière tracée », laquelle est une exigence forte de nos clients. Il est ainsi possible de suivre cette notion de filière dans tout le transactionnel de l’ERP et s’assurer à tout moment que l’on réponde et respecte le cahier des charges d’une telle filière du champ au consommateur. La traçabilité doit intégrer l’ensemble des étapes de manipulation et de transformation des matières premières jusqu’au produit fini.
De nombreuses autres solutions technologiques éprouvées permettent d’aider les agriculteurs et les coopératives dans leur activité opérationnelle et de pilotage (drone, images satellitaire, IOT, analyses de données, blockchain, etc.). Microsoft propose ainsi un éventail large de solutions sur sa Plate-forme dédiée à l’agriculture Azure Farmbeats. Microsoft experiences Secteur Agriculture | le hub de l’intelligence numérique
Le baromètre révèle que 72% des répondants prévoient un fort développement de l’e-commerce, quelles sont les bonnes pratiques des coopératives en la matière ?
Guillaume Nanot : Avant de parler des bonnes pratiques, il faut parler des attentes des agriculteurs car il y a des étapes qu’il faut absolument maîtriser en amont : la réservation de produits (ce qui demande de l’anticipation) et la récupération des produits dans un point de proximité. Pour faire du e-commerce, il faut déjà être capable de tenir une promesse d’expérience client réussie et un taux de service excellent sur ces 2 points. Mais quand c’est le cas, les coopératives qui ont mené des initiatives en la matière ont eu des taux de croissance incroyables. La mise en œuvre du e-commerce n’est pas une question d’informatique mais d’organisation. C’est en effet le modèle opérationnel qui va permettre de répondre à cet enjeu, particulièrement pour l’agroéquipement.
Nabil Cheurfa : Les agriculteurs étant connectés en permanence, il était logique de proposer le canal du E-commerce à condition que le niveau de service soit à la hauteur. Les coopératives ont élargies les canaux de distribution avec différents modes de livraison : livraison ferme, livraison magasin silo, point de collecte type relais-colis, etc.
D’un point de vue technique, l’ERP ADAX Coop est capable de s’interfacer avec tous les types de solutions e-commerce du marché (BtoB, BtoC) mais aussi des sites extranets adhérents. Car le vrai enjeu c’est l’interopérabilité entre les différents outils métiers derrière le portail e-commerce.
Il faut également tenir compte d’une spécificité de ce secteur : la mauvaise couverture réseau et les nombreuses zones blanches. Il faut donc évaluer les solutions techniques à mettre en œuvre pour être capable de travailler en mode déconnecté et asynchrone.
La digitalisation s’accélère pour 85 % des répondants. On parle beaucoup de technologies comme l’IA et la Blockchain, avez-vous des cas d’application concrets à partager ?
Guillaume Nanot : En matière d’IA, le Machine Learning permet de « profiler » les agriculteurs et de déduire en fonction des achats qu’ils ont déjà réalisé ce que l’on a le plus de probabilité de vendre. On peut ainsi mieux adresser les besoins des adhérents, personnaliser les offres et augmenter les ventes. En matière de traçabilité, des projets autour de la Blockchain s’imposent désormais aux agriculteurs. Mais il faut reconnaître que l’initiative vient surtout des distributeurs, soucieux des enjeux de traçabilité et des cahiers des charges Filière.
Nabil Cheurfa : La Blockchain sera effectivement tirée par la GMS avec des services proposés aux consommateurs pour suivre le parcours d’un produit, en flashant un QR code pour remonter jusqu’au champ d’origine par exemple. Mais c’est encore loin d’être généralisé. Nous voyons également une accélération de l’usage de l’IoT. Cette technologie permet par exemple de récupérer des données directement dans les cellules de stockage pour mesurer leur humidité en temps réel, et agir en conséquence. On peut ainsi mieux gérer les besoins en énergie et réduire ses coûts d’exploitation : il n’est plus nécessaire de chauffer toutes les nuits pour baisser le niveau d’humidité, on déclenche le chauffage uniquement lorsque c’est nécessaire, avec à la clé des économies d’énergie significatives.
Parmi les principales préoccupations concernant l’évolution du digital, la cybersécurité est citée pour 90% des répondants. Comment évaluez-vous la maturité des coopératives sur le sujet ?
Guillaume Nanot : Historiquement les systèmes d’information des coopératives étaient très fermés. Elles ne s’étaient donc pas forcément préparées à une plus grande exposition aux risques cyber amenés par la digitalisation. Or la prévention des risques est essentielle. Il faut définir et formaliser des PCA (Plan de Continuité d’Activité) et des PRA (Plan de Reprise d’Activité) pour identifier comment il sera possible de reprendre les activités suite à une cyberattaque. Il faut être prêt à réagir, sinon cela peut coûter très cher.
Nabil Cheurfa : Les infrastructures agricoles sont clairement devenues des cibles. TVH Consulting a fait ce constat après plusieurs cyberattaques de ses clients. C’est pourquoi nous avons racheté le cabinet de conseil en Cybersécurité Fidens. Il réunit des experts de la cybersécurité capables d’intervenir en mode préventif et pro-actif pour identifier les risques et proposer les solutions adaptées. A travers ses 3 piliers de Conseil, Audit et Formation, Fidens peut par exemple simuler des attaques (« Pentest ») pour identifier les failles d’une infrastructure, aussi bien d’un point de vue technologique qu’organisationnelle. C’est souvent très révélateur.
La mobilisation des équipes métiers dans les projets et les enjeux règlementaires sont des facteurs clés de succès, mais également des contraintes très fortes pour les coopératives. Comment les DSI répondent à ces enjeux ?
Guillaume Nanot : Il faut avoir à l’esprit que les coopératives sont très diversifiées dans leurs activités. Il leur est donc difficile de tout maitriser, elles ont besoin de beaucoup rationaliser. De plus, les coopératives agricoles n’ont pas forcément une culture très poussée des projets informatiques en termes d’organisation et de gouvernance. Il leur faut acquérir cette culture projet, elles doivent s’organiser et monter en compétences, notamment dans l’implication des métiers.
Nabil Cheurfa : Lorsqu’une solution commune à plusieurs métiers est déployée, il y a forcément des arbitrages et des compromis pour prendre en compte efficacement toutes les particularités dans chaque domaine. Les « sachants métiers » sont donc indispensables, et effectivement il est difficile dans ce secteur de réunir beaucoup de profils différents, qui ne sont pas toujours disponibles.
Un conseil pour conclure ?
Nabil Cheurfa : Plus la digitalisation et les projets ERP se développent, plus des besoins se font jour. Et la technologie est là pour y répondre. Finalement, les coopératives agricoles avancent sur des sujets technologiques très innovants en comparaison d’autres industries.
Guillaume Nanot : Le risque pour les coopératives est de se disperser. Il est extrêmement important de raisonner digital mais également urbanisation, pour maîtriser ses projets et rester transverse. Il ne faut pas chercher trop de solutions dans tous les sens, car une démarche Best of Breed coûtera beaucoup plus cher pour tout interconnecter, qu’une solution globale bien verticalisée.
TVH Consulting
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